Le 22 septembre 2020 par Cléa Hameury - Gabrielle Baglione - Agnès Gaudu
Cette semaine sur le blog, nous vous emmenons dans les coulisses de la restauration d'œuvres qui comptent parmi les plus précieuses du Muséum : les dessins de Charles-Alexandre Lesueur. La restauration des œuvres fait partie intégrante du travail de conservation du patrimoine. Parmi les quelque 8 000 dessins et manuscrits que compte la collection Lesueur, les priorités de restauration sont données aux œuvres amenées à être exposées. L'actualité de cette collection souvent sollicitée est dense : exposition au musée d'Orsay et exposition au Muséum lui-même à l'occasion de la saison Australienne en 2021, et puis la préparation d'une future exposition permanente...mais nous aurons l'occasion d'en reparler !
En Australie ou encore aux Etats-Unis, Charles-Alexandre Lesueur (1778-1846) est connu et reconnu pour la qualité de ses dessins naturalistes et carnets de voyage, récits dessinés lors de ses expéditions.
La précision et la finesse du trait, la justesse des détails et la vivacité des couleurs, donnent à ses dessins un réalisme saisissant. Son travail à la loupe apporte à ses dessins un relief singulier, et il n’hésite pas à peindre avec des pinceaux extrêmement fins - deux ou trois poils seulement - pour représenter le plus fidèlement possible la fourrure d’un kangourou ou d’un lémurien, ou encore les tentacules d'une méduse.
Vieux de plus de 200 ans, les papiers ont subi avec le temps des dégradations : de l’acidité à la lumière en passant par l’accumulation de poussières, autant de facteurs qui fragilisent le papier et menacent la pérennité des œuvres.
Afin de rendre hommage au caractère exceptionnel de ces trésors artistiques et scientifiques, et de pouvoir les exposer prochainement aux yeux du grand public, des campagnes de restauration sont régulières sur l'ensemble du fonds.
Les dessins sont confiés à deux restauratrices spécialisées dans la restauration d’œuvres sur papier. Retour étape par étape, sur cette restauration !
<<< Sept lézards observés durant le Voyage aux Terres Australes
Lesueur associe sur ce dessin des animaux de plusieurs origines géographiques : Madagascar, île Maurice et Australie. Leurs identifications sont notées dans un carnet de François Péron : "Gecko madagascariensis, Gecko gelatinosus, Gecko loncurus, Gecko jacksoniensis, Gecko verticillatus, Gecko cepedianus". Les détails au crayon associés aux animaux peints à l’aquarelle décrivent leurs pattes, leurs écailles et la région anale.
Aquarelle et crayon sur vélin - Collections du Muséum d’histoire naturelle du Havre
Gomme et scalpels à la main, les gestes n’en restent pas moins légers et minutieux. Dans les mains expertes des restauratrices, le papier est assaini et les processus de dégradation limités.
Au risque qu’elle ne s’agrandisse, une déchirure ou une lacune est consolidée grâce à l’ajout d’une petite pièce par le verso, teintée de la couleur du papier d'oeuvre, mais dans un ton en-dessous pour que cette pièce ajoutée soit toujours visible. Il s'agit d'un principe de restauration qui dicte qu'une intervention doit toujours être visible et réversible.
Afin de lui assurer une bonne stabilisation, le papier est ensuite mis à plat sous presse entre des buvards et des cartons, où il va sécher entre 15 jours et 3 mois.
FAUSSE-MARGE. Le dessin est monté en fausse-marge. Dans une feuille de papier, une fenêtre est ouverte à la taille exacte du dessin, et les deux sont associés par des bandelettes de papier japonais très fines. Ce montage répartit les tensions et permet au dessin de ne plus être touché. Le montage permet en outre de répartir les tensions sur l'ensemble de l'oeuvre et d'obtenir une une bonne planéité, mais aussi de ne plus ajouter de colle sur le dessin lui-même.
PASSE-PARTOUT. L’ensemble est ensuite inséré dans un « passe-partout » ou « marie-louise » : un montage en carton dans lequel est ménagée une deuxième fenêtre biseautée. Les matériaux utilisés présentent un pH basique.
Le montage en passe-partout, rigide, offre plusieurs avantages :
- Le dessin ne peut pas subir de pli accidentel
- L’épaisseur du passe-partout protège la couche picturale (pas de transfert de pigment, pas de frottements)
- Ce montage offre au regard l’ensemble du dessin
- Le vieillissement à la lumière sera homogène sur l’ensemble du dessin
- Le dessin peut être exposé sous cadre ou être conservé en réserve dans une boite, à l’abri de la lumière
Toutes les opérations de restaurations sont réversibles. Trois heures de travail en moyenne sont consacrées à chaque dessin. On notera que le travail de restauration n'implique jamais, ou très rarement, une intervention sur la couche picturale. Ce qui est restauré, c'est vraiment le papier d'oeuvre, une nuance importante car on pourrait volontiers imaginer le restaurateur "refaire" le dessin !
Une fois les dessins sortis des réserves climatisées, la fragilité du papier nécessite un contrôle strict de la température, de l’hygrométrie et de la lumière. Malgré ces précautions, l’exposition d’un dessin durant trois mois est suivie d’un temps de repos en réserve de trois années consécutives. Les dessins se succèderont au musée au rythme des thématiques d’exposition.
En 15 ans, plus de 1000 dessins ont ainsi pu être restaurés, soit, un quart des dessins actuellement présents en réserve. Le choix des dessins à restaurer est guidé par l’état de conservation ainsi que la programmation culturelle que le musée envisage. Ces restaurations sont validées en amont par une commission spécifique encadrée par le Ministère de la culture, qui apporte une financement complémentaire à celui de la Ville du Havre. Un travail de longue haleine au service de la préservation du patrimoine, où patience rime avec minutie !
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