Le 5 septembre 2023 par Louise Bourget
Baptiste Beau a récemment pris ses fonctions au Muséum en tant que chargé de collection des Sciences de la vie. Alors que le Muséum se prépare à faire peau neuve, il nous livre dans une interview un aperçu de son parcours et de son travail !
L.B. : Bonjour Baptiste ! Peux-tu nous présenter ton parcours ?
B.B : Bien sûr. J’ai obtenu ma licence en écologie et biologie des organismes à l’Université de Poitiers, puis j’ai poursuivi avec un master en muséologie des sciences de la nature et de l’homme au Muséum National d’Histoire naturelle, une formation affiliée à la Sorbonne. Au cours de ce cursus, j’ai étudié le droit du patrimoine, la gestion de la conservation des sciences, la scénographie et la mise en exposition.
L.B. : Pourquoi t’es-tu intéressé aux sciences de la vie ?
B.B. : Les sciences de la vie offrent toujours des anecdotes et des curiosités à découvrir. Récemment, j’ai fait la découverte d’un cas évolution insulaire de chèvre en Méditerranée, il y a environ cent mille ans. La particularité, c’est qu’il n’y avait pas de prédateurs sur cette île et très peu de ressources naturelles. La chèvre a évolué en adoptant un mode de vie similaire à celui des reptiles, au point de devenir un animal au sang-froid. Sa morphologie s’est transformée, ses yeux ont rétréci, son cerveau s’est réduit, créant un animal très intrigant.
L.B. : C’est assez fascinant ! Existe-t-il de tel spécimen dans les collections du Muséum du Havre ?
B.B. : Nous n’avons pas de spécimen de cette chèvre malheureusement. En revanche, nous avons une collection tératologique* très intéressante. Celle-ci comprend cinq malformations très graves dont un veau à deux têtes et un agneau à huit pattes...
À l’époque cela présentait un intérêt, celui d’étudier le développement embryonnaire et tissulaire du vivant. C’est en observant et parfois en provoquant ces malformations que l’on peut réussir à comprendre comment le développement fonctionne. C’était une première approche avant l’arrivée de la génétique et des techniques modernes.
Aujourd’hui, ces spécimens n’ont que peu d’intérêt scientifique évidemment, mais ils en ont pour l’histoire des sciences.
L.B. : Est-ce compliqué de conserver les collections de sciences de la vie ?
B.B. : Ces collections se composent à la fois d’objets composites et d’une grande diversité de spécimens. Parmi eux, nous trouvons des éléments de botanique, des insectes, des œufs, des coquillages, des nids d’oiseaux, des collections fluides, des champignons et même des os. La conservation de ces objets est souvent un défi, nécessitant des compromis pour assurer leur préservation et un stockage approprié. Par exemple, en ce qui concerne les taxidermies, il est crucial de minimiser l’exposition à la lumière, car celle-ci peut endommager les plumes, les poils et fragiliser le cuir.
L.B. : Combien d’objets compte-t-on dans les collections de sciences de la vie du Muséum du Havre ?
B.B. : Le Muséum du Havre abrite un inventaire de zoologie** regroupant environ onze mille cinq-cents spécimens et un inventaire de botanique*** composé de vingt mille items. A cela, il faut ajouter la collection de fluide qui n’est pas inventoriée mais qui regroupe plusieurs milliers d’éléments. Malgré tout, cela peut sembler moins important que d’autres institutions. IL faut pourtant avoir à l’esprit que ces collections ont été rassemblées au cours des soixante dernières années, tandis que la plupart des autres institutions ont accumulé leurs collections sur plusieurs siècles.
L.B. : Ce qui soulève une question pertinente, auprès de qui sont collectées ces taxidermies ?
B.B. : Les animaux naturalisés proviennent principalement de dons ou de partenariats avec des zoos. Par exemple, lorsque le Zoo de Cerza a perdu un panda roux, nous avons eu la possibilité de récupérer sa peau pour créer une taxidermie. Cela simplifie parfois la vie des zoos par rapport à la procédure de l’équarrissage. Cependant, lorsqu’il s’agit d’espèces protégées, la collecte est très réglementée. Il faut prouver que la collecte de l’animal n’a pas mis en danger l’espèce, en fonction de sa catégorie de protection.
L.B. : Comment décrirais-tu la journée type d’un chargé de collection durant la fermeture du musée ?
B.B. : Le travail d’un chargé de collection est varié. Il consiste à assurer la conservation des collections et à les mettre en valeur. Cependant, notre emploi du temps est souvent interrompu par des demandes d’identification, d’acquisition ou de prêts. Le calendrier change constamment et nous ne faisons jamais la même chose deux jours de suite.
L.B. : Y a-t-il des spécimens exceptionnels ou rares conservés au sein du Muséum ?
B.B. : Un des spécimens les plus rares que nous ayons est surement le Courlis à bec Grêle. C’est un oiseau migrateur, qui passe l’été en Sibérie et l’hiver en Méditerranée, faisant donc une escale en France durant son voyage. L’espèce est supposée disparue, car aucun individu n’a été observé avec certitude depuis les années 1990. Peut-être quelques dizaines d’individus subsistent en Sibérie, mais on n’est pas sûr. C’est la seule espèce disparue ou supposée disparue que nous ayons identifiée aujourd’hui dans nos collections.
L.B. : As-tu un objet de collection favori au Muséum ?
B.B. : Il y a de nombreux objets intéressants, mais j’apprécie particulièrement la statue du Dodo. Pour une anecdote amusante, son frère jumeau est exposé au MNHN dans la Grande Galerie de l’Évolution. Tous deux ont été formés à partir du même moulage.
L.B. : Quelle est ta vision d’avenir pour les collections sciences de la vie du Muséum du Havre, notamment concernant la sensibilisation au public et les projets futurs ?
B.B. : Je leur souhaite une longue vie, d’être centenaires ! Sinon, qu’elles puissent émerveiller, sensibiliser, questionner les visiteurs.
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*La tératologie étudie les êtres vivants présentant de très graves malformations
**L’inventaire de zoologie du Muséum du Havre est composé des taxidermies, os, œufs, nids et tout ce qui touche à la zoologie de manière générale
***L’inventaire de botanique du Muséum du Havre est composé des plantes et des champignons
Interview menée par Louise Bourget - Photo : Cléa Hameury / Louise Bourget. AOÛT 2023
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