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Le blog du Muséum

Les coulisses du Muséum

Interview de Nicolas Cherfils, Conducteur de travaux

Le 7 novembre 2024 par Cléa Hameury

Un chef d'orchestre ? Sur un chantier ? Conducteur de travaux passionné au sein de l’entreprise Gagneraud, Nicolas Cherfils s’occupe de la gestion du chantier du Muséum, à la fois sur le plan financier, technique et humain et ce, du début jusqu’à la fin du projet !

Un métier riche en challenges que l'on vous invite à découvrir à travers le portrait de Nicolas. 

L'interview complète

Cléa Hameury (Muséum du Havre) : Bonjour Nicolas, vous êtes conducteur de travaux au sein de l’entreprise Gagneraud Construction et vous êtes missionné sur le chantier de réhabilitation du Muséum. Pouvez-vous nous parler un peu de votre métier ?

Nicolas Cherfils : Les conducteurs de travaux ont pour mission de s’occuper de la gestion d’un chantier, à la fois sur le plan financier, technique et humain. Ils organisent et suivent donc tout ce qui est nécessaire à la réalisation d'un chantier, depuis le début d'un projet de construction jusqu'à sa livraison, en essayant de respecter au maximum les délais. Vu de l’extérieur, nous sommes un peu les chefs d’orchestre des travaux (rires).

Sur le plan humain, nous travaillons avec un éventail très large de métiers. Entre les missions de maçonnerie et de démolition, nous pouvons collaborer avec des profils très différents ! 

Sur le plan financier, l’entreprise répond à des appels d’offre pour lesquelles nous nous engageons sur une enveloppe budgétaire. Avec les aléas du chantier et les besoins du client, l’enjeu est donc de tenir au maximum cette promesse financière. Charge à nous d’être le plus fidèle au budget afin que tout le monde puisse s’y retrouver. 

C.H : Des aléas ? Sur un chantier tel que le Muséum, quels sont les imprévus auxquels vous avez pu être confrontés ?

N.C : Les aléas peuvent être très différents selon les aspects du chantier concernés. Cela peut être par exemple des délais de construction beaucoup plus longs que prévus ou encore une réservation n’allant pas au bon endroit parce qu’on a découvert que la structure du bâtiment était différente de ce qui était initialement prévu. Cela ne fonctionne pas toujours comme prévu, ce sont les aléas de la réhabilitation et… cela fait partie du jeu !

C.H : Travaillez-vous avec des ouvriers propres à l’entreprise Gagneraud ou il vous arrive d’externaliser certaines missions ?

N.C : Au sein de l’entreprise Gagneraud, nous avons nos propres ouvriers mais nous pouvons aussi très bien faire appel à des entreprises extérieures pour réaliser les œuvres qui s’éloignent un peu de notre cœur de métier. Par exemple sur le chantier du Muséum, nous avions une charpente métallique à réaliser. Nous avons préféré faire appel à des partenaires en sous-traitance afin qu’ils puissent la réaliser pour nous.

C.H : Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ?

N.C : Mon parcours est un peu atypique car je ne suis pas passé par la case « école d’Ingénieur ». À l’issu de mon Bac pro Bâtiment gros œuvre(1) au Havre, j’ai appris les ficelles du métier directement sur le terrain en commençant en tant que maçon coffreur. Puis, d’années en années, j’ai appris de nouvelles techniques et gravi petit à petit les échelons : de maçon à manœuvre puis de chef d’équipe à chef de chantier, et aujourd’hui conducteur de travaux.

C.H : Et comment vous est venue cette fibre pour la gestion d’équipe ?

N.C : Eh bien sans vraiment le vouloir ! Dès mes premières années, je me suis très vite retrouvé à la tête d’une équipe. Mon premier chantier technique concernait la piscine de Criquetot-l'Esneval et le chef de chantier m’a tout de suite confié plusieurs ouvriers. 

« Nicolas, tu as un Bac pro ? Ok. Tiens voilà deux gars, tu te débrouilles pour faire ça ». 

Au début, on se sent un peu démuni, on fait des erreurs, on finit tard (rires) puis on apprend. Chemin faisant, on acquiert de l’expérience, on accède à des chantiers de plus en plus grands et à des équipes de plus en plus grandes. Cela demande plus de management, de délégation, du savoir-faire et de l’organisation. Après 20 années passées dans le BTP(2), le fait d’avoir touché un peu à tout me permet de créer plus facilement du lien avec les ouvriers, de me mettre plus facilement à leur place. C’est ce côté humain et esprit d’équipe qui me plait beaucoup.

C.H : Après tant de casquettes différentes, un autre échelon en ligne de mire ?

N.C : Après conducteur de travaux, il y a chef de secteur, chef d’agence, mais là j’arrive à la limite de mes capacités, et… c’est encore d’autres métiers ! (rires)

C.H : Côté technique, vous avez un chantier qui vous a particulièrement marqué ?

N.C : L’entreprise Gagneraud possède beaucoup d’antennes, les chantiers peuvent donc être assez variés. Un chantier que je garde en tête et assez emblématique, c’est celui du Volcan. Gagneraud s’est occupé des travaux de gros œuvre avec notamment la création de passerelles et de salles de spectacles. Au-delà de ça, le chantier était très intéressant car nous avons dû reproduire les modes constructifs de l’époque mais en utilisant les techniques actuelles. Si vous regardez bien la surface du Volcan, vous apercevrez des planches de coffrage. Eh bien nous avons dû les reproduire à l’intérieur alors que cette technique ne se fait plus aujourd’hui. Un challenge que je garde en souvenirs !

Il y a aussi le chantier du Casino du Havre, anciennement le bâtiment de la CCI. En 2005, Gagneraud a été missionné pour le réhabiliter. C’était assez fou de pouvoir être les premiers à découvrir ce grand bâtiment vide avant même le début des travaux. On se sent un peu privilégié ! 

Quant au Muséum du Havre, c’est une première pour moi car il s’agit de mon premier chantier sur un bâtiment historique.

C.H : Vous dites avoir travaillé le bois pour le chantier du Volcan, vous pouvez donc travailler avec beaucoup de matériaux différents ?

N.C : Oui ! Nous faisons aussi bien de la maçonnerie, du coffrage... Pour le grand public, la vision d’un chantier se limite souvent au maçon qui construit des maisons et des immeubles en béton mais pas seulement ! Il y a les maçons certes mais il y a aussi des coffreurs, des menuisiers, des ferrailleurs… Et bien souvent tout est lié ! Le maçon peut faire du coffrage, mettre de la ferraille dans son coffrage etc. Mais dans des gros chantiers comme par exemple ceux des Jeux Olympiques, chaque équipe s’occupe d’une mission bien spécifique, tout est bien séparé. Il y a une équipe qui fait les coffrages, une équipe qui fait le ferraillage, une équipe qui fait le coulage…

C.H : S’il s’agit de votre premier bâtiment historique, il y a-t-il des particularités que vous avez pu remarquer en comparaison de vos précédents chantiers ?

N.C : Oui tout à fait. Ce qui change habituellement des précédents chantiers, c’est la diversité des corps de métiers mobilisés et en particulier ceux spécifiques à la rénovation des bâtiments historiques. De cette façon, j’ai pu rencontrer l’entreprise Normandie Rénovation en charge de la façade ou encore l’entreprise Gallis qui s’est occupée de la toiture.

Gagneraud s’occupant de la mise en place de l’échafaudage via un partenaire sous-traitant, je devais souvent dialoguer avec les différents partenaires pour pouvoir répondre à leurs besoins et échanger sur ce qui allait comme sur ce qui n’allait pas. 

Pour coordonner tout cela, je travaille aussi en étroite collaboration avec l’architecte Romain Greif, lui-même spécialisé dans les bâtiments historiques. Nous nous voyons régulièrement pour gérer ensemble les aléas et anticiper les différentes étapes du chantier.

C’est une chance d’avoir pu travailler avec autant de corps de métier différents. Cela me permet d’avoir un bon retour d’expériences si je devais à nouveau retrouver ce type de chantier.

Il faut également être très prudent et attentif. Le chantier vit beaucoup. Il y a beaucoup de transferts de matériaux, cela implique donc de mettre des protections et de les faire évoluer en fonction de l’avancement du chantier. 

C.H : Entre les enjeux financiers, humains, patrimoniaux… cela ne doit pas tous les jours être évident de trouver le juste milieu ?

N.C : Comme dans tout rapport humain, surtout lorsqu’il a des enjeux de taille, il y a parfois des tensions, des chantiers plus difficiles que d’autres mais aussi parfois des moments plus détendus. C’est ça un chantier ! Et dans tout ça, il faut arriver à être constructif, s’adapter mais ne pas se laisser faire, c’est un challenge. Un chantier, c’est un challenge ! 

Rencontrer, échanger, construire, c’est que j’apprécie le plus dans ce métier et c’est aussi ce qui m’a été transmis par des anciens. En 20 ans, j’ai rencontré un éventail de profils et de métiers très différents venant de tous horizons. De mon point de vue, le BTP est un secteur encore très humain. 

C.H : Une anecdote ou une étape particulière à nous raconter sur le chantier du Muséum ?

N.C : La mise à l’épreuve de la poutre de l’escalier monumental. Dans le plafond situé juste au-dessus de l’escalier se trouve une immense poutre sur laquelle seront accrochés des squelettes et des objets d’art. Elle devra donc supporter une certaine charge. Même si celle-ci est très grande, il a fallu la mettre à l’épreuve pour connaître exactement la charge maximale qu’elle pourra supporter. Question de sécurité. Pour cela, nous avons mis une « piscine », c’est-à-dire un bac que l’on a chargé par pallier afin de déterminer le poids critique que la poutre pouvait supporter. Une fois le Muséum terminé, cela fait partie des choses que les visiteurs ne verront pas mais qui nous a néanmoins demandé beaucoup de travail en amont pour mettre le musée en sécurité.

C.H : Quelle sera votre plus grande satisfaction une fois le chantier terminé ?

N.C : Nous avons toujours un peu hâte qu’un projet soit livré et de voir le bâtiment prendre vie. Ça m’est arrivé de livrer certains sites mais de ne pas avoir la chance de les suivre car ils deviennent ensuite interdits au public. C’est ce qui arrive souvent en pétrochimie par exemple lorsque l’on construit des bâtiments anti-explosions. Là, la particularité du Muséum c’est qu’il sera accessible à tous, nous pourrons donc apprécier le rendu de notre travail. C’est gratifiant et c’est toujours intéressant de revenir sur les traces de ce qu’on a réalisé, on replonge un peu dans les souvenirs devant le travail accompli.

 

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(1) Gros œuvre: Le gros œuvre désigne l'ensemble des travaux qui contribuent à la solidité et à la stabilité d'un bâtiment. Il s'agit donc des travaux liés à la construction ou à la rénovation de l'ossature du bâtiment.

(2) BTP : secteur économique du bâtiment et des travaux publics.

 

Le portrait de Nicolas Cherfils

 

Interview menée par Cléa Hameury. Novembre 2024

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