Le 3 mai 2023 par Louise Bourget
Récemment, le dessin « Vues et coupes du Cap de la Hève", réalisé en 1842 par Charles-Alexandre Lesueur, a fait l’objet d’une restauration. Revenons sur l’Histoire de cette œuvre significative pour la science géologique du 19e.
La lithographie est une technique d’impression sur papier. Officiellement attribuée à M. A. Senefelder en 1796, le procédé évoluera jusqu’au milieu 19e où il deviendra extrêmement populaire.
Cette technique se base sur un principe scientifique : l’eau et les graisses se repoussent mutuellement.
Maintenant que ce principe conducteur est posé, voyons les étapes de manière plus approfondie.
Tout d’abord, on utilise une pierre lithographique c’est-à-dire une pierre calcaire spécifique qui absorbe l’eau et repousse les graisses. Il est à noter, que cette pierre parfois difficilement malléable, fut remplacée dans le temps par l’utilisation plus pratique des plaques de zinc et d’aluminium. Ensuite, muni d’un crayon en graisse ou en résine, on réalise le dessin sur la pierre (ou la plaque). Puis, le dessin est fixé à l’aide de talc et d’un mélange d’acide et de gommes. Enfin, la pierre est humidifiée. On place une feuille de papier sur le dessus. Puis, le tout est mis sous « presse lithographique » afin de permettre le transfert du dessin de la pierre à la feuille.
Ci-dessus : une explication de la technique lithographique, proposée par le Musée Delacroix.
Ce procédé est avantageux. Il offre une facilité technique importante et donc un gain de temps considérable pour réaliser un dessin par impression. En effet, la même pierre/plaque peut être encrée et humidifiée plusieurs fois d’affilées (centaines de fois) et produire des dessins à répétition.
C’est notamment pour cela que beaucoup de journaux aux tirages quotidiens adopteront cette technique, séduits par son efficacité. Ce fut le cas du fameux hebdomadaire « La Caricature », lancé en 1830 par Honoré de Balzac. Le journal utilisait principalement des dessins obtenus par lithographie pour illustrer ses pages (voir la caricature de Louis-Philippe en Gargantua ci-dessous).
À ce propos, Balzac lui-même rédigera dans le prospectus de lancement un plaidoyer pour l’utilisation de la méthode lithographique : « les procédés de la lithographie ont permis de rendre presque vulgaire cette jouissance exquise que les Parisiens seuls pouvaient renouveler tous les jours dans les rues, ou çà et là sur les boulevards ». Il ajoute par ailleurs que « la caricature est énormément populaire pour notre pays » et que « si, jusqu’à présent, elle ne s’est pas rendue périodique, c’est que le prix de la gravure interdisait cette spéculation ». (cf prospectus du 1er octobre 1830, lancement de La Caricature)
La lithographie est donc un outil d’impression efficace par sa rapidité et peu onéreux. Il lui revient par ailleurs le prestige d’avoir participé au développement de la satire sociale et de fait, de la liberté d’expression en France.
Charles A. Lesueur utilisera lui aussi ce procédé en 1842 à l’occasion de la réalisation du dessin « Vues et coupes du Cap de la Hève ». Initialement, l’objectif de l’œuvre était d’alerter les pouvoirs publics sur la composition géologique de la falaise, un éboulement récent ayant eu lieu aux abords de Sainte-Adresse (1841). Pour autant, cette œuvre connaîtra un plus fort retentissement dans le monde scientifique suite à sa présentation en 1844 devant l’Académie des sciences.