Le 17 février 2023 par Cléa Hameury
Le Muséum d’histoire naturelle a mis en place depuis 2020 un partenariat avec l’Observatoire Batracho-Herpétologique Normand (l’OBHEN). Cet organisme a pour principal objectif la conservation des amphibiens et des reptiles en Normandie. Le Muséum enfile alors les bottes et participe ainsi depuis 3 ans à une dynamique de préservation de la biodiversité, notamment auprès de nos chers habitants de la mare. Inventaires faunistiques, sciences participatives et animations, les actions se répartissent tant sur le volet scientifique que sur le volet sensibilisation du public.
Mais alors, plus concrètement, qu’est-ce qu’un amphibien ? Quels critères vous permettent de les identifier ? Quelles espèces sont présentes en Normandie et quels rôles biologiques jouent-elles ?
Anciennement appelés batraciens, les amphibiens forment une classe des vertébrés tétrapodes où trois ordres sont représentés :
- Les urodèles, qui gardent leur queue une fois le stade larvaire terminé. Ils comprennent les tritons et les salamandres. Pour les différencier, la queue des tritons est aplatie, comme celle d’un têtard, tandis que celle de la salamandre est plutôt trapue.
- Les anoures, sans queue tels les grenouilles et les crapauds. La peau du crapaud est sèche, épaisse et verruqueuse, alors que celle des grenouilles est humide, fine et lisse.
- Les gymnophiones*, animaux fouisseurs, vermiformes et aux pattes atrophiées. (*Les gymnophiones sont néanmoins absents en Europe).
Le nom « Amphibien » vient du grec amphibios qui signifie « double vie », car leur existence est partagée entre une phase larvaire aquatique et une phase adulte terrestre. Historiquement, les amphibiens ont été les premiers conquérants du milieu terrestre, leurs plus anciens représentants furent les premiers vertébrés à s'aventurer hors de l'eau il y a environ 350 millions d'années ! Le fossile Ichthyostega, l’un des plus anciens d’entre eux, quitta le milieu aquatique avant même l’apparition des reptiles, des oiseaux et des mammifères. Ils sont les témoins d’un évènement majeur dans l’histoire des vertébrés : le passage de la vie aquatique à la vie terrestre.
Néanmoins, même si les amphibiens ont été les premiers conquérants du milieu terrestre, ils ne s'y sont pas totalement adaptés et restent encore très dépendants des zones humides pour la reproduction, un rappel du mode de vie de leurs ancêtres.
En effet, à la différence des amniotes (oiseaux, mammifères et reptiles) qui ont acquis leur indépendance de l'eau du fait de la protection de l'embryon et du fœtus dans un sac amniotique imperméable, les amphibiens ont le plus souvent le besoin de déposer leurs œufs dans l'eau, desquels émerge une larve aquatique appelée têtard.
Ainsi chaque année, la plupart du temps au printemps, les amphibiens vont migrer vers les mares pour y déposer selon les espèces, leurs œufs ou leurs larves. Au début, les têtards ont des allures de petits poissons, tout comme leur manière de respirer avec des branchies. Puis, pendant 3 mois en moyenne, quatre pattes vont apparaitre progressivement et des poumons vont se développer. C'est la métamorphose. Les jeunes amphibiens pourront alors explorer le milieu terrestre comme l’ont fait leurs ancêtres…
En France, 35 espèces d'amphibiens ont été recensées et 19 d'entre elles sont présentes en Normandie.
Pour ce qui est des salamandres, une seule espèce est présente en Normandie : la salamandre tachetée (Salamandra salamandra). La salamandre représente aussi le symbole de la ville du Havre. Or, même si elle reste assez commune dans la région, l'espèce n’a pas été revue depuis plus de dix ans dans les environs du Havre... C’est d'ailleurs François 1er qui l'adopta comme emblème. Elle avait la réputation de pourvoir attiser le feu comme l’arrêter. C’est ainsi que l’on retrouve cet animal sur le blason de la ville du Havre avec l’inscription « Nutrisco & extinguo : je nourris le bon feu et éteins le mauvais ».
Par ailleurs, la salamandre est un animal inoffensif qui a suscité et qui suscite encore beaucoup de craintes. Beaucoup de croyances et de légendes, encore actuelles, existaient au XIX et XXème siècle autour de cet animal.
La symbolique du feu était si forte qu’en cas d’incendie, on pensait qu'il fallait jeter des salamandres sur le feu pour l’éteindre. Cette croyance provient du fait que les salamandres hibernent dans les souches. Les souches étant à l'époque ramassées pour servir de combustible, la salamandre pouvait accidentellement se retrouver dans une cheminée. Sa peau humide la protégeait quelques secondes des flammes, puis elle s'échappait tranquillement du foyer, sous les yeux ébahis des témoins de la scène !
Ces croyances ne sont bien heureusement plus d’actualité, même si l’on entend encore de fausses croyances sur cet animal…
Comme la plupart des espèces, les amphibiens ont un rôle biologique important. Ils constituent un maillon clé de la chaîne alimentaire et participent à l’équilibre fragile entre proies et prédateurs. Ils conservent donc la stabilité de l’écosystème dans lequel elles vivent. Par exemple les amphibiens permettent de réguler les populations de certains insectes et constituent des proies pour beaucoup d’espèces (oiseaux, serpents, ...).
Leur dépendance aux zones humides font d’eux des espèces très sensibles (asséchement, altération de la qualité de l’eau, activités humaines comme la pollution, les engrais et pesticides…), et ils constituent le groupe vivant le plus menacé sur terre. Sur 7500 espèces d’amphibiens répertoriées dans le monde, 41 % sont classées comme « vulnérables », « en danger » voire « en danger critique ». Plusieurs ont déjà disparu et en France 1 espèce sur 5 est menacée de disparition.
Fort heureusement, aujourd’hui toutes les espèces d’amphibiens sont protégées (arrêté du 19 novembre 2007). Il est strictement interdit de les capturer, de les détruire ou encore de les déplacer.
En 2020, il a été proposé au Muséum du Havre de participer à des missions de préservation de suivi et de préservation. Les missions se répartissent en 3 volets :
La collecte de données permet de faire un état des lieux des populations d’amphibiens et de mettre en œuvre des moyens de protections (adaptation de mesures agricoles, clôtures de dérives, méthodes compensatoires…) si cela est jugé nécessaire.
Photos : Muséum du Havre, prospections amphibiens été 2020
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